Dramane Ouédraogo : « Le cinéma m’est tombé dessus par hasard »

 Il a débuté par hasard, mais aujourd’hui, Dramane Ouédraogo est une figure montante du cinéma burkinabè. Comédien, producteur et apprenant-réalisateur, il a joué dans plus de 30 films, dont plusieurs primés au FESPACO. Dans cet entretien, il revient sur son parcours atypique, ses défis, ses convictions et sa vision pour l’avenir du 7ᵉ art au Burkina Faso.


Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir acteur ?

Souvent, il est difficile de savoir ce qui vous a conduit à un métier. Pour certains, c’est la passion. Pour d’autres, c’est un pur hasard.
Dans mon cas, c’est vraiment par accident que je suis arrivé dans le cinéma. Il n’y a personne dans ma famille qui travaille dans ce domaine, je suis donc le premier.
Tout a commencé lorsqu’un ami m’a proposé de participer au casting d’un court-métrage de Laurentine Bayala, Amour sans frontières. J’ai été retenu pour jouer le rôle principal. Et c’est ainsi que tout a commencé.

Quels sont les moments clés de votre carrière ?

Les moments clés de ma carrière, il y en a tellement. Je dirais que chaque nouveau projet dans lequel j'ai travaillé a été un moment clé de ma carrière. Parce que chaque projet est une opportunité pour atteindre un objectif. Certes, c'est à travers le film réalisé par ma maman, comme je l'appelle affectueusement, madame Abibou Zoungrana, Le complot, qui a été produit par Pit Productions. Que j’ai été révélé à beaucoup de cinéastes, à beaucoup de réalisateurs qui m’ont par la suite appelé pour incarner des rôles principaux dans leur film. Mais avant « le complot », j'ai quand même joué dans une bonne dizaine de courts-métrages. Pour moi, tout cet ensemble d'expériences sont des moments clés. Parce que chaque expérience, chaque projet a apporté quelque chose de nouveau.

Comment préparez-vous vos personnages ?

Je pense que la préparation du personnage, c’est quelque chose de très important. Cela est capital pour un acteur et chaque acteur devrait au moins pouvoir faire ça. Parce que le risque, si vous ne savez pas faire ça, c'est qu'on vous retrouve, vous, sur les différents rôles qu'on va vous confier à la place du personnage que vous devez incarné. Si vous ne savez pas créer les différents personnages, chaque fois qu'on va voir vos films, on va sentir que c'est la même personne qu'on retrouve. C'est ça le risque pour un acteur qui ne sait pas créer son personnage. 

Un rôle vous a-t-il particulièrement marqué ou paru difficile ?

De tous les rôles que j'ai eu à incarner, je n'ai pas trouvé un rôle qui était particulièrement exigeant ou difficile. Même maintenant, pour ce que j'ai comme exemple que je peux citer, ce n'est pas forcément le rôle en lui-même qui était difficile ou qui était compliqué, mais c'était la langue. Et ça reste ma plus belle expérience de la langue anglaise dans un film. C'était un film sud-africain de Ntato Mopata et Carla Fonseca, des Sud-Africains qui sont venus faire un film expérimental. Un long métrage dans lequel j'ai joué. Et le film était joué entièrement en anglais du début jusqu'à la fin. Pour moi qui suis francophone, qui ne parle pas couramment l'anglais, me retrouver avec une actrice principale sud-africaine qui vient au Burkina pour trouver ses origines et qui tombe sur moi, qui devient son guide et qui doit parler l'anglais du début jusqu'à la fin du film. Ça a été une très belle expérience. C'est peut-être ça qui a été un peu difficile pour moi, le fait de devoir apprendre vraiment le texte par cœur et de jouer avec le texte comme si je parlais vraiment l'anglais. 

Quels sont les films dans lesquels vous avez joué ?

J’ai joué dans pas moins de 30 films, donc sa serai vraiment difficile de vous citer tous les films. Aujourd’hui avec les différents personnages que j'ai incarnés, les différents rôles que j'ai joués dans les films, ça serait vraiment compliqué. Néanmoins, ce que je peux dire, c'est que j'ai eu la chance de jouer dans des projets burkinabés, dans un projet éthiopien, dans un projet sud-africain. J'ai eu la chance de jouer dans pas mal de projets. Et dernièrement, j'ai eu aussi la chance de jouer dans Katanga de Dani Kouyaté, qui a remporté l’étalon d’or de Yennenga. J'ai également joué en tant qu'acteur dans le film d'Aïcha Chloé-Boro, Les Invertueuses, qui était aussi en compétition pour le FESPACO cette année. J'ai joué dans le long métrage de Delphine Yerbanga, Une si longue nuit, qui était en compétition aussi au FESPACO dans la catégorie Burkina Films. J'ai aussi joué dans le court métrage de la même réalisatrice Delphine Yerbanga, Vérité des cœurs, qui était en compétition sur FESPACO. J'ai aussi participé en tant qu'acteur sur le film ça suffit d'Alima Ouédraogo, long métrage qui était également en compétition dans la catégorie Burkina Films. Au-delà de ça aussi, j'ai co-écrit le scénario d'un dessin animé intitulé Malaika, qui est une production de Pit Productions, qui était en compétition dans la catégorie cinéma d'animation. 

Quelle est votre appréciation de votre jeu d’acteur ?

Ce serait difficile d'apprécier moi-même mon jeu d'acteur. Comme les dioulas le disent, « le tam-tam ne se bat pas tout seul ». Pour dire qu'on ne peut pas s'auto-apprécier, c'est aux cinéphiles, c'est aux burkinabés de m'apprécier. Personnellement, je ne saurais vous dire, mais tout ce que je peux dire, c’est que la plupart des réalisateurs avec qui j'ai travaillé m'ont dit qu'ils sont satisfaits. Donc, je pense que moi, je suis satisfait à partir du moment où ils sont satisfaits, mais ça ne veut pas forcément dire que j'ai un bon jeu d'acteur. Peut-être que mon jeu d'acteur les a satisfaits. 

Quelle est la plus grande difficulté que vous avez rencontrée ?

En tant qu'acteur, la plus grande difficulté, je pense que C'est souvent le temps mis pour jouer dans des projets. Le fait que pendant plusieurs années, on n'avait pas de fonds présent pour accompagner les productions cinématographiques, faisait que le nombre de productions était vraiment réduit. Et les producteurs aussi qui grouillaient pour faire les films n'avaient pas forcément les moyens qu'il fallait. Donc, c'était compliqué pour les acteurs. On restait souvent des mois et des mois sans jouer dans un film. 

Le cinéma nourrit-il son homme ?

Cette question-là, elle est à double sens parce que dans le même cinéma, vous verrez des gens qui vivent difficilement et vous verrez des gens qui sont aisés. Si vous la posez à certaines personnes, elles vous diront non, le cinéma ne nourrit pas son homme. Si vous la posez à d'autres, elles vous diront oui, je vie du cinéma. Mais dans l’ensemble, Je pense que si on prend 100 acteurs, il y a moins de 50% qui vous dirons qu'ils vivent de leur métier. Il y a donc de l'amélioration à faire pour que vraiment tous ceux qui écrivent et qui exercent le métier d'acteur professionnel puissent vraiment vivre de ce métier-là, qu'ils ne soient pas obligés de faire d'autres métiers à gauche ou à droite. Qu’Ils arrivent à dire que je suis acteur et je vis bien de ça. Je pense qu'il y a un gros boulot à faire, mais ce n'est pas impossible. 

Quelles solutions proposez-vous pour améliorer la situation ?

D’abord, il faut un statut officiel pour les comédiens, avec des conditions claires et un barème de rémunération. Aujourd’hui, les cachets varient énormément d’un plateau à l’autre.
Ensuite, il faut un fonds pérenne pour financer les productions, avec un jury impartial basé sur la qualité des projets.
Et enfin, les acteurs doivent aussi se former continuellement. On ne peut pas exiger gros si l’on ne sait pas jouer à la hauteur. Chacun doit contribuer, à son niveau, à faire évoluer notre cinéma.

Anita Mireille Zongo

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