« En couple au CITO » : quand le théâtre dépeint la vie à deux
Au Carrefour international du théâtre de Ouagadougou (CITO), la pièce "En couple" de Michel Beretti a conquis le public. Entre jalousie, incompréhensions et réconciliations, la mise en scène d'Hippolyte Kanga explore avec justesse les réalités des relations amoureuses. Retour sur une représentation le mercredi 26 février 2025 qui a suscité rires et réflexions.
Interprété par Issaka Zallé dans le
rôle de Zerbo, Wendeyidé C. Tiendrébéogo dans le rôle de Cibéline et Rakiéta au
poste de DJ, le public a été plongé dès le premier tableau dans l’univers du
couple Cibéline et Zerbo. Une dispute anodine sur les réseaux sociaux révèle
des insécurités plus profondes. Le mari reproche à sa femme de ne pas avoir
mentionné qu’elle était mariée sur son profil. Cette introduction pose le ton
de la pièce, qui aborde les tensions liées aux attentes sociétales et aux dynamiques
de pouvoir au sein du couple.
Les scènes suivantes illustrent avec
brio la jalousie, les frustrations et les petits tracas du quotidien. De la
répartition des espaces sur le lit aux disputes liées aux feuilletons
télévisés, en passant par les préjugés interethniques entre Mossi et Samo. En
couple aborde des thématiques qui résonnent fortement avec les spectateurs.
Une pièce qui va par la suite montrer
la famille qui s'agrandit, et avec elle, de nouvelles tensions émergent. Le
choix du prénom de l’enfant devient un terrain de bataille, tout comme la
gestion des caprices de la femme enceinte et les hésitations de l’homme à
envisager une nouvelle paternité. L’humour et la légèreté des dialogues
atténuent pourtant la gravité des situations, rendant la pièce à la fois
poignante et divertissante.
Quand vient le tour de la femme
d'être jalouse, le couple vacille encore. La présence des belles-familles
envahissantes, la suspicion d'infidélité, l'accumulation de frustrations
entraînent des séparations temporaires, parfois nécessaires. Dans « en
couple », chaque situation dépeint des expériences réelles.
Fait rare, En couple offre au
spectateur deux fins alternatives. Dans l’issue optimiste, le couple demeure
uni malgré les nombreuses disputes, bien que le mari, rongé par les
frustrations, sombre dans l’alcoolisme et que la femme demeure malheureuse. La
fin pessimiste, en revanche, voit la femme retourner chez sa mère avec leur
fils. Après dix mois de séparation, les deux anciens époux réalisent qu’ils ont
toujours besoin l’un de l’autre et se retrouvent enfin, plus heureux que jamais.
Rihanata Ilboudo, présidente de la
compagnie Danthemuz, s’est réjouie du succès de la pièce. « C’est un texte de
Michel Beretti que nous connaissons assez bien. Puisque le texte était
intéressant, on s’est dit pourquoi ne pas le produire. La pièce avait déjà été
présentée au Mali, on voulait donc faire une représentation ici pour voir ce
que ça allait donner. À notre grande surprise, ça a plu au public. Nous avons
rencontré des difficultés financières. Parce qu'au début, on avait pas de
partenaires en tant que t'elle ».
Et de renchérir : « La
pièce a été bien accueillie. Nous sommes satisfaits d’avoir produit une telle
pièce et de voir que ça plait au public. » Malgré des difficultés financières
initiales, la production a pu voir le jour grâce au soutien du Bureau burkinabé
des droits d’auteur (BBDA).
Issaka Zallé, qui incarne Zerbo,
souligne l’importance de l’interaction avec le public. < C’est un spectacle
interactif, donc il nous arrive parfois d’improviser en parlant avec le public
ou en leur posant des questions. Le principal message, c’est d’amener les
couples à savoir que la vie de couple est une vie à deux, donc il ne faut
laisser une seule personne se battre pour les deux, et, comme on le dit, un seul
doigt ne peut pas ramasser de la farine, il faut forcément les cinq doigts de la
main. »
« Ça sera difficile pour moi
d’apprécier ma propre prestation, mais, dans l’ensemble, je vois que j’essaie
plus ou moins d’incarner un rôle qui m’a été donné. La tâche revient maintenant
au public d’apprécier ce que j’ai fait, si j’ai bien incarné mon rôle ou pas ?
J’ai bien incarné le personnage comme je le voulais parce qu’il y a eu un mois
de recherche et c’est la quinzième fois qu’on joue le spectacle, donc à chaque
fois, il y a de nouvelles choses que je cherche à améliorer. Je n’ai pas encore
trouvé le personnage typiquement comme je le voulais, mais je pense que je suis en
train d’y arriver », a-t-il conclu.
Pour sa partenaire de jeu, Wendeyidé
C. Tiendrébéogo (Cibéline), « c’est le public qui apprécie notre
prestation pour nous. Quand on finit le jeu et qu’on voit que le public adhère,
on se dit qu’on a bien rendu le personnage. Je crois que j’ai bien interprété
le personnage comme je le voulais. Parce qu’il est vrai que j’ai cherché le
personnage, mais j’ai également été dirigé par le metteur en scène qui était
présent et qui nous dirigeait en fonction de ce qu’il voulait qu’on rende, même
si, à notre niveau, il faut qu’on fasse un travail de recherche de
personnages. »
Et comme le nom En couple
l’indique, la pièce a voulu, d'après Wendeyidé C. Tiendrébéogo, « dépeindre
ce que les couples vivent dans la vie. Même si nous n’avons pas tout fait
ressortir, on ressent vraiment la vie de couple. Et les spectateurs qui
viennent se disent aussi qu’ils ont vu leur couple ici. Certains même demandent
à ce qu’on rajoute des choses. Il y a toujours deux fins, et ici, nous avons
choisi de faire une fin optimiste pour faire comprendre aux gens que la fin
optimiste ne marche pas toujours. Et pessimiste pour montrer aux gens que
souvent, on a besoin de distance pour savoir qu’on a besoin de l’autre ».
Le public, visiblement conquis, a partagé ses impressions après la pièce. Parmi les spectateurs, Jean-Baptiste Nacanabo, dramaturge et metteur en scène, salue la qualité de l’interprétation. « C’est une très belle pièce avec des acteurs qui ont sublimé la scène. Ce sont des acteurs que je connais. Et vraiment ce soir ils m'ont vraiment épaté et la mise en scène est vraiment au top. »
Pour lui, le thème est interpellateur,
car c’est la réalité vécue par de nombreux couples et les insuffisances qu’ont
certains couples. « Quant à la
thématique en couple, je pense que nous en avons vraiment besoin parce que nous
traversons une zone de turbulence. Je parle de notre pays et, actuellement, nous
avons besoin de paix, de dialogue, et ça commence en couple, ça commence par la
famille. En couple dépeint notre vivre-ensemble et les tares de nos couples.
Souvent on pense que tout va bien alors qu'il faut remettre en question
certaines pratiques et remettre à jour notre vécu de tous les jours », a-t-il
renchérit.
Pour Milogo Charles, spectateur, « la
fin est intrigante. La leçon qu'on peut tirer, je dirai que souvent les couples
ont besoin de distances pour savoir qu'ils s’aiment », tandis qu'Angèle Sangaré
insiste sur la communication et la patience. « Concernant la leçon, on peut
dire que les relations amoureuses ne sont pas du tout faciles, un peu
compliquées, il y aura des hauts et des bas, mais ça sera toujours mieux de
prioriser l'entente, la compréhension et tout pour pouvoir vivre mieux ».
Avec une mise en scène soignée et des
dialogues percutants, ‘En couple’ ne se contente pas de divertir, elle pousse à
la réflexion. La leçon finale est simple mais essentielle. Un couple ne se construit pas sur la seule
passion, mais sur la compréhension, l'écoute et l'acceptation de l'autre, avec
ses forces et ses faiblesses.
Anita Mireille Zongo et Jean Elysée
Nikiéma
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